En 1863, des travaux d'approfondissement du lit de la Mayenne furent entrepris
près du lieu-dit «gué de Saint-Léonard», non loin de la ville de Mayenne. Ce gué, qui
dans l'Antiquité permettait aux voyageurs qui se rendaient de Jublains à Avranches de
traverser la Mayenne, livra alors une masse considérable de monnaies : 10 641 en 1864,
quelque 16 000 en 1865. Chedeau et de Sarcus donnèrent, dès 1865, un inventaire précis
du premier lot, mais la publication annoncée du deuxième lot ne vit jamais le jour.
Si, un siècle plus tard, certaines séries particulières firent l'objet d'études (par
J.-B. Giard et D. Mac Dowall), l'ensemble demeurait largement inédit. Grâce à la
persévérance de G. Aubin d'abord, puis de P.-A. Besombes, les monnaies conservées au
musée de Mayenne furent déposées pour étude au Cabinet des médailles en 1997.
P.-A. Besombes s'attela à la tâche ingrate de classer les 22 438 monnaies restantes,
total remarquable si l'on veut bien considérer leur date de découverte. Plus de
4 000 monnaies manquent certes à l'appel, mais 130 années séparent la date de
découverte de celle du dépôt au Cabinet. Les déménagements, les guerres, quelques
«prélèvements», des monnaies peut-être mises au rebut tant elles étaient illisibles,
expliquent sans doute ce différentiel. Cependant la ville de Mayenne a préservé
l'essentiel de son patrimoine.
P.-A. Besombes, tout au long de son étude, s'emploie à définir la nature de ce
dépôt, accumulation d'offrandes dédiées aux eaux de la Mayenne. De constitution
relativement tardive (le numéraire gaulois en est presque totalement absent), il est
marqué par la présence massive de monnaies d'Auguste (près de 30 % de l'ensemble)
et de Claude Ier (près de 39 %). La rupture dans l'approvisionnement débute à partir du
règne de Trajan. Le formidable ensemble de monnaies de Claude Ier a permis à l'auteur
de proposer, dès 2001, dans un article paru dans la Revue numismatique, un nouveau
classement du monnayage de bronze de cet empereur. À côté de ces monnaies
officielles, les imitations sont nombreuses. Les analyses métallographiques réalisées par
le Centre Ernest Babelon à Orléans montrent que les as imités contiennent du zinc.
Certes la teneur n'est pas très élevée, toutefois assez significative pour penser que les
faussaires ne refondaient pas le numéraire officiel, mais avaient leurs propres sources
d'approvisionnement.
Selon l'auteur, ce dépôt a été constitué au fil des ans dans un environnement
militaire. L'hypothèse d'une présence de l'armée à Jublains pourrait être renforcée par
la frappe ou le poinçonnage de centaines de contremarques diverses, dont le lien avec
l'armée est établi depuis longtemps.