Suffragettes tenues pour des hystériques précipitant la «ruine
de la Nation», Gandhi qualifié par la rumeur impériale de «fakir à
moitié nu», Noirs et indigènes sommés de cesser de «faire les
nègres» et de feindre la souffrance, mères de la place de Mai et
Femmes en noir invitées à retourner à leur foyer, paysans indiens
et «semeurs libres» criminalisés... : autant d'acteurs de la désobéissance
civile qui tentent de résister à la violence à laquelle est
soumise leur existence. C'est en raison de leur propre anti-violence
qu'il y a quelque chose d'irréductiblement sauvage dans leur lutte,
qui engage avant tout l'exposition des corps.
Questionner la désobéissance, c'est mettre en évidence ce qui,
dans les antagonismes politiques, relève de l'organisation asymétrique
des rapports sociaux de sexe, de classe et de race. Ainsi,
si l'«on gagnerait beaucoup à pouvoir éliminer du vocabulaire de
notre pensée morale et politique ce pernicieux mot d'obéissance»,
comme le préconise Hannah Arendt, c'est parce que le politique
est l'affaire de tous.