Le désir de penser est le résultat de la collision avec ce qui, dans
le réel, résiste à nos représentations et à nos expériences. Il est une
poussée vers ce réel irréductible qui ne se laisse approcher que
lorsqu'il est soumis à un continuel questionnement. Et parce que
les réponses que nous obtenons sont toujours partielles, ce questionnement
n'a pas de fin.
La spécificité de la construction du savoir clinique est d'être attentive
à l'expérience psychique du chercheur et de considérer l'objet qui est
le sien en rapport avec son expérience personnelle. Car on a souvent
tendance à faire l'impasse sur le fait que tout chercheur est impliqué
dans sa démarche théorique. L'activité théorique est donc, à la fois,
activité de pensée et expérience intérieure.
Au coeur de l'intérêt contemporain pour
les «histoires de vie», qu'alimentent
une tradition ancienne et un courant
théorique qui ont trouvé à s'exprimer
tant en littérature qu'en sciences humaines,
il y a la dimension créative
d'une «écriture de la vie».
«L'écriture de la vie» à laquelle renvoient
l'étymologie et le sens commun du mot
biographie est ici entendue comme une
attitude première du fait humain :
dès qu'il veut se saisir de lui-même,
l'homme écrit sa vie. Il n'a pas d'autre
moyen d'accéder à son existence que
de figurer ce qu'il vit à travers le langage
des histoires. Les hommes ne font pas
le récit de leur vie parce qu'ils ont
une histoire : ils ont une histoire parce
qu'ils font les récits de leur vie.