Début janvier 1950, Émile Poulat, lecteur à l'université de Fribourg-en-Brisgau,
soutient une thèse de théologie sur le désir naturel de voir
Dieu. Cinq ans après, il quitte la prêtrise et entreprend une carrière de
chercheur, historien et sociologue du catholicisme, expert de la laïcité.
Quel lien entre l'activité scientifique qu'il a menée pendant plus de
soixante ans (755 références ici rassemblées dans une bibliographie
exhaustive) et ce travail de jeunesse, longtemps occulté, consacré à
d'obscures controverses d'exégèse thomiste ? «On n'a pu se défendre,
avait-il conclu, d'une impression de malaise en suivant les discussions
sur les notions d'appétit, de désir, de puissance, fleurs séchées d'un vieil
herbier, qui furent autrefois vivantes et parfumées mais dont nous avons
peine aujourd'hui à retrouver la présence familière.» Il en appelait à une
philosophie de «l'expérience vécue», qu'il semblait alors bien près de
trouver dans l'oeuvre de Maurice Blondel.
Controverses pourtant décisives au moment où il écrit - quasi contemporain
de Surnaturel du P. de Lubac - et qui prennent sens comme révélatrices
d'une pensée chrétienne en crise, mise au défi du «naturalisme» moderne.
L'auteur, disparu en novembre 2014, avait souhaité cette publication et
s'en est expliqué dans un entretien en postface.