De La Traversée des apparences de Gianni Celati, en 1991, au Musée d'ombres
de Gesualdo Bufalino, en 2008, ces articles, ces lectures italiennes, représentent
quasi vingt années de lectures d'occasion, non pas sur des oeuvres naissantes mais
sur des oeuvres traduites, en différé, bien souvent posthumes, survivantes aux
auteurs qui lui donnèrent le jour. Cette parabole qui s'étend de la traversée des
apparences au musée d'ombres constitue le terrain de prédilection du passeur,
hôte de l'ombre, des coulisses, fût-il traducteur ou critique, un lecteur de l'entre-deux,
de la langue, de la culture dont il s'est fait le transfuge. Et s'il a un destin
c'est celui, mis en lumière jadis par le grand critique Giacomo Debenedetti,
d'Ulysse, quand, devenu «Personne» il descend dans Hadès en quête de son
devenir, ou celui d'Orphée, impuissant à ramener Eurydice, mais capable de narrer
le récit de son échec.
C'est un lecteur qui dit soudain «je» avant de regagner sa part d'ombre et
de guetter les lumières de ses semblables, les lecteurs.