Les XIVe et XVe siècles français, souvent désignés comme
période de transition, offrent à l'historien de la lecture un lieu
d'observation privilégié pour voir émerger parmi le public laïc,
à côté de la lecture publique à haute voix, un nouveau rapport
au livre, individuel, oculaire et silencieux. Cette évolution n'est
pas sans incidence sur le discours des auteurs et leurs techniques
d'écriture. À partir d'un corpus de plus de cent oeuvres
de genres variés en langue d'oïl, cet essai propose une synthèse
sur la, ou plutôt les lectures pratiquées à la fin du Moyen Âge,
envisagées sous des angles complémentaires : poétique, pragmatique,
sociologique, éthique. Sans négliger l'apport des
siècles antérieurs, il montre comment le Moyen Âge tardif
pense le rôle de la littérature et signe en ses textes un transfert
décisif d'une partie de l'auctoritas (au départ celle de l'auteur)
vers le lecteur doué d'entendement. En définitive, cette
enquête permet de recentrer sur la fin du Moyen Âge
l'émergence des premiers traits caractéristiques de la lecture
moderne, dont on a trop tendance à créditer exclusivement la
Renaissance.