Le 18 Brumaire est le commencement et la fin d'une histoire ; il marque
l'accession au pouvoir de Bonaparte et l'épilogue provisoire d'une
Révolution française qui n'en finit pas de s'achever. Depuis 1789, elle
a parcouru tout le cycle des formes politiques connues pour s'enliser
dans une impasse dont elle ne sait plus comment sortir : la République,
souillée par la Terreur, est devenue impossible ; la monarchie, synonyme
de contre-révolution, l'est autant.
C'est donc au général corse, devenu un héros national sur les champs
de bataille, qu'il revient de l'en sortir : fils de la Révolution, il en incarne
la gloire militaire sans avoir à en assumer les excès ; né à la périphérie du
royaume, il a assez de proximité avec ses compatriotes pour comprendre
les passions révolutionnaires et assez de distance pour ne pas y succomber.
Lui seul paraît capable de réconcilier les deux peuples et les deux
histoires que la Révolution a séparés. Mais pour comprendre la réussite
de son coup d'audace, dont ce livre restitue le cours haletant, c'est le
régime du Directoire, ses incuries et son échec, que l'auteur interroge
aussi à frais nouveaux.
Brumaire est un vrai coup d'État, mais singulier : sans violence ou
presque, sans victimes, sans proscrits, entouré d'un consentement tel
qu'il sera longtemps considéré comme une élection que les circonstances
avaient privée des formes légales. Et même s'il inaugure un régime plutôt
éphémère, l'irruption de Bonaparte dans l'histoire révolutionnaire imprimera
durablement sa marque sur notre légendaire national et l'esprit
de nos institutions.