Pour disqualifier un ennemi politique, le fanatisme est
l'un des meilleurs outils possibles. On peut l'utiliser contre
des peuples non «civilisés», contre des groupes qui n'ont
pas eu la chance d'accéder à l'universalité occidentale :
il s'agit alors de fanatisme irrationnel. Mais on peut aussi
accuser de fanatisme les esprits froids qui mettent en
application leurs idées abstraites sur le bonheur de l'humanité
- Robespierre, Lénine, Mao, ou le fanatisme
hyper-rationnel. Dans tous les cas, l'accusation de fanatisme
est portée contre ceux qui troublent l'ordre des
choses, que ce soit par la révolte anticoloniale ou par la
révolution égalitaire. De la guerre des Paysans au XVIe
siècle en Allemagne jusqu'à la guerre froide, Alberto
Toscano décrit les modes d'emploi d'une notion dont on
peut aujourd'hui, des banlieues à l'Afghanistan, recenser
tous les usages pervers.