« La nuit, je ne dors pas, ou peu, de peur que les Autres pénètrent chez moi par la fenêtre. Ils le font parfois pour remplacer un débranché par un clone à eux. Je le sais, parce que c'est arrivé dans mon immeuble. J'avais une voisine que j'avais réussi à convaincre de se débrancher. Elle avait presque atteint le stade 2 (j'ai divisé le débranchement en quatre étapes : le nodule, les écrans, le courant électrique, les ascenseurs) et, quand nous discutions de son avancement, elle me disait les phrases convenues : « Paraît que demain, il va pleuvoir », ce qui signifiait qu'elle allait débrancher son ordurateur. Tout allait dans le bon sens quand, l'autre jour, j'ai vu un camion de déménageurs. J'ai tout de suite compris : ils la changeaient de cage pour la rebrancher. Je ne l'ai plus revue. À sa place, une jeune cadre, réseautée de partout. Quand elle me croise, elle a un petit remontis de la narine comme si je puais des pieds (c'est vrai que je ne prends pas de douche tous les jours, parce que les tuyaux, c'est aussi des conduits de surveillance). [...] C'est une clone. On voit bien que la vraie vie est absente : corps parfait, visage triangulaire, petits talons clac-clac. Ce que je ne sais pas, c'est si les clones sont 100 % en synthétique ou s ils les incubent dans des bassins nutritifs, comme dans les films de science-fiction qui font peur. Faudrait que j'en ouvre une, un jour, pour voir. »
Un chant du cygne apocalyptique
Le Jardin des Ploutes est une expérience littéraire limite, une tentative de plonger dans l'esprit d'un homme dont l'univers mental se désagrège. Cerné par les Autres, créatures fantasmées dont l'objectif est de prendre le contrôle de nos vies, le personnage central - qui souffre d'un trouble de dissociation de l'identité (TDI) - se détache peu à peu de toute vie sociale et semble même se multiplier...