Il peut nous arriver à tous de faire l'expérience d'un certain je-ne-sais-quoi
que nous avons bien du mal à expliquer, voire à exprimer, alors même qu'il
nous change la vie. Mais qu'est-ce au juste que ce «je-ne-sais-quoi» ? Existe-t-il
vraiment ? Et comment trouver les mots pour dire l'énigme qu'il renferme
et l'ébranlement qu'il provoque ?
Voilà des questions qui nous fascinent aujourd'hui encore. Mais quelle
histoire se cache derrière ce «je-ne-sais-quoi» ? Car il fascinait déjà l'Europe
des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, et c'est à cette époque que le mot lui-même a
été inventé, ce qui mérite que l'on mène l'enquête, ne serait-ce que pour
savoir si ce même mot s'applique toujours à la même chose, au passé comme
au présent. Une enquête qui tente de reconstruire l'histoire du je-ne-sais-quoi
et de son lacis de significations, à travers différents contextes en Europe,
dans la période où il a connu scandales et querelles, splendeurs et misères.
Une enquête entre littérature et philosophie, qui analyse de près, entre autres,
la force de l'amitié qui unit Montaigne à La Boétie, la haine que partagent
le marchand de Venise et son rival dans le théâtre de Shakespeare, l'asile de
l'ignorance dans lequel Descartes rejette toutes les qualités occultes des
philosophes et le nez de Cléopâtre qui, selon Pascal, remua toute la Terre.
Mais une enquête qui tente également, en fin de compte, de sauver le je-ne-sais-quoi
de sa propre histoire, en montrant qu'il reste capable, aujourd'hui
comme hier, d'esquisser le mystère d'une relation, de dire confusément
le charme d'une manière, d'épouser par la parole la grâce inexplicable
des choses.