«De quoi Eugène Ionesco est-il redevable à Eugen Ionescu ? C'est le thème de mon livre. Je suis
aujourd'hui persuadé que la formation intellectuelle d'Eugène Ionesco est roumaine. Il a vécu en exil en
Roumanie, dit-il, de 13 à 33 ans. Exil peut-être, mais pendant ces vingt ans il a lu, en roumain surtout,
un grand nombre de livres dont certains ont fait le sujet d'analyses minutieuses dans ses chroniques. Il
a publié trois livres et des centaines d'articles. Il a rédigé en roumain la première pièce «absurde» qui,
adaptée en français quelques années plus tard, est devenue La Cantatrice chauve. Intégré au mouvement
littéraire du lieu, il a contesté les modèles reconnus, suscitant des polémiques qui lui ont permis de
clarifier ses conceptions littéraires. Que doit Eugène Ionesco à la littérature roumaine et qu'est-ce que
celle-ci lui doit ? La question reste ouverte. Il me semble, quant à moi, qu'Eugène Ionesco n'a jamais
pu se séparer, heureusement, d'Eugen Ionescu. Il y a chez l'écrivain parisien une certaine dimension
métaphysique et un certain type d'imaginaire ironique très roumain qui sont sans doute l'héritage que
lui a légué, dans son écriture française, le jeune auteur bucarestois.»
Eugen Simion
Le plus important exégète roumain de la littérature nationale et européenne des dernières
cinquante années, professeur universitaire d'histoire de la littérature, auteur d'innombrables
ouvrages d'histoire et de théorie littéraire qui font autorité, certains traduits en France et aux
Etats-Unis, président de l'Académie roumaine de 1998 à 2006, Eugen Simion est aussi l'un des
commentateurs les plus avisés d'Eugène Ionesco, notamment de ses débuts roumains qui s'achèvent
avec l'élaboration, en 1943, de la première anti-pièce, Englezeste fara profesor [L'Anglais sans maître],
connue dans le monde entier dans sa version française de 1950 : La Cantatrice chauve. Son étude
sur le jeune Ionescu est la conclusion des recherches de toute une vie. Riche d'une documentation
accessible uniquement à ceux qui connaissent le roumain, longtemps ignorée à cause de la fermeture
du pays ; d'une exceptionnelle rigueur dans l'organisation et l'exploitation des sources ; ouverte,
grâce à l'érudition de l'auteur, vers tous les horizons de la littérature européenne dont les rapports
avec l'oeuvre d'Eugène Ionesco sont minutieusement répertoriés, la «narration critique» d'Eugen
Simion est à la fois limpide et compétente. Elle a la grâce d'un style relevé et le charme particulier
d'un esprit chaleureux et ironique.
Prix de littérature de l'Union latine, Prix de dramaturgie de l'Académie roumaine et Prix Serban
Cioculescu du Musée national de la littérature roumaine pour son livre de mémoires publié en 2011
en Roumanie, établi depuis 1977 en France où, devenu auteur de langue française, il a publié une
vingtaine de romans, d'essais et de pièces de théâtre, Virgil Tanase a aussi traduit un certain nombre
d'écrivains roumains dont Vasile Voiculescu, Nicolae Breban, Stefan Banulescu, Marin Sorescu,
Teodor Mazilu, D. R. Popescu, Dan Laurentiu, Emil Brumaru et Corin Braga entre autres.