Aux abords de l'Océan Polaire qui joint la Sibérie à l’Amérique du Nord, les empreintes à sept clous formant une croix d'un marcheur invétéré (côté Europe), et celles d'une femme (côté Amérique), semblent dire que tous deux s'observent. Il s'agit du Juif errant et de la princesse juive Hérodiade : les figures protectrices de tous les personnages de la série légendaire du « Juif errant ».
Au fil des seize parties, comme dans « Les Mystères de Paris », Eugène Sue peint la vie des travailleurs, des ouvriers, des hommes et des femmes des bas-fonds. Il introduit ainsi en littérature une foule de marginaux que le roman bourgeois avait jusqu'alors dédaignés, et exhorte, en un roman-feuilleton extrêmement populaire à sa sortie, les souffrances du peuple. Mais il dresse aussi un réquisitoire contre le fanatisme et l’intolérance religieuse, avec une figure monumentale de la littérature occidentale, celle du juif errant.
Eugène Sue (1804-1857) est un écrivain français, né dans la richesse de la garde de Napoléon Ier. Enfant, c’est un élève turbulent qui, malgré une famille de chirurgiens à l’hôpital de la maison du roi, souhaite démissionner de ses obligations pour devenir Dandy. Son père meurt alors qu’il n’a que 28 ans, lui léguant une fortune considérable. Eugène Sue en profite, et dépense en seulement sept ans tout l’argent. Il doit retourner à la littérature pour arrondir ses fins de mois. Il commence par des romans maritimes, écrits dans un romantisme noir, qui relatent ses expériences de voyage en tant que militaire chirurgien. « La Salamandre », 1832, est un succès. Son socialisme engagé grandit, et sous un plume critique, écrit de 1842 à 1843 « Les Mystères de Paris », suivi du « Juif errant ». Lors de l’accession au pouvoir par Napoléon III, Sue s’emporte violemment contre le coup d’État. Condamné à la prison, il s’exile. «Les Mystères du peuple» est publié mais doit déjouer la censure.