Les ethnies malgaches, qui constituent déjà en elles-mêmes un
important brassage culturel, ont conservé un lien profond avec leur
passé. Dans leurs pratiques agricoles et médicales, l'héritage des
aïeux est prédominant. Les végétaux sont utilisés pour les besoins de
la médecine ou de la sorcellerie, les animaux parlent et conseillent les
hommes à travers les contes et les fabliaux. Les âmes des disparus
vivent au coeur du monde végétal et animal. L'au-delà participe à la
vie d'ici-bas par le maintien des rites et des croyances funéraires. Les
esprits flottent autour des habitations, ils veillent ou, à l'inverse,
maudissent les vivants. Car le repos éternel se mérite et nombreux
sont les revenants néfastes qui parcourent l'obscurité à la recherche
d'un corps disponible pour effrayer les villageois.
Les liens que les Malgaches entretiennent avec les lémuriens sont
tout aussi extraordinaires que ceux qu'ils maintiennent avec leurs
morts. Parfois directement apparentés à l'espèce humaine à travers
les récits, les plus grands lémuriens sont vénérés et fady (interdits) à
la chasse et à la consommation. Parfois reconnus pour leur esprit
malin et curieux, ils sont sacrés et respectés comme héros
protecteurs. Ou bien, tout au contraire, ils inspirent la terreur et leur
présence annonce le danger et le malheur.
Ces liens multiples et antagonistes ont tous une signification, que
cet ouvrage se propose d'approfondir, afin de dégager les rapports
que les hommes de la Grande Île, dans la cohérence de leur
philosophie, entretiennent avec les lémuriens.