Il faisait des photos des draps après l'amour, pendant qu'elles
occupaient la salle de bains. Il ne souhaitait pas en sortant son
appareil photo après une nuit d'amour qu'elles découvrent qu'au
lieu de les prendre elles, il photographiait l'état du lit. Ces nuits
d'amour donnaient des lits défaits, différents de ceux des nuits de
sommeil. Les draps étaient entortillés comme s'ils avaient servi à
une évasion.
Voilà le récit d'un homme et des lits de son existence couchés
sur le papier. Il fait du lit le coeur obscur et ardent de ses
paroles, de ses sensations et intentions de vivant d'aujourd'hui.
Ses mots se glissent dans les plis froissés de l'intime pour livrer
une petite musique de chambre aux résonances universelles.
Le lit, on y dort, on y fait l'amour, on y est malade, on y meurt
et on y naissait il n'y a pas si longtemps encore. Le lit héberge
et protège la part sombre et inconsciente de toute vie. Du sommeil
aux rêves, la notion de durée s'y perd : on ne sait jamais
combien de temps on a dormi, une minute ou un siècle... Ainsi
naît, devant nous lecteurs, impudique et secret, un personnage
singulier et tout un chacun, pris dans la litanie de combats
prévisibles et dans un monde en ébullition de valeurs, de questions,
de choix à venir.