«Les notions de vice, de péché ou d'immoralité, déjà, apparaissent
obsolètes. Essayer de comprendre les vices, c'est risquer
de passer pour un misanthrope réactionnaire ou un
moralisateur à l'esprit étroit. Celui qui tend un miroir à ses
contemporains a toujours attiré les rires embarrassés, la
colère ou la calomnie. L'antique admiration pour la perfection
semble tout aussi perdue que le sens de la dépravation
morale. Rien ne semble plus anachronique que de douter
du bonheur terrestre, que de faire référence au devoir et à
la mesure. En des temps de divertissements à courte vue,
ce qui compte, c'est la satisfaction immédiate des envies,
non le jugement critique que l'on porte sur elles. Depuis
que l'indifférence a été érigée en tolérance universelle, tout
est permis ou presque. Nombre de contemporains sont extrêmement
indulgents envers eux-mêmes. Ils concèdent en
haussant les épaules avoir été menteurs, hypocrites, vaniteux,
avares ou cupides.»
Le projet des Lumières, d'amélioration morale du genre
humain, a complètement échoué. Qui veut parler du bien
ne peut pas garder le silence sur le mal. Mais qui veut parler
du mal doit avant toute chose étudier les mauvaises habitudes,
les errements et les défauts, tous les vices, qui participent
du mal véritable. Avec un regard infaillible, Wolfgang
Sofsky sonde les lois de l'immoral et explore tout le spectre
des vices : «Le tribunal de leur conscience est enfoui si profondément
en eux qu'ils n'en perçoivent quasiment plus la
voix.»