Le mal-être de centaines de milliers d'immigrés et de fil(le)s d'immigrés nord-africains a d'évidence des causes anciennes et profondes, qui minent le «modèle républicain». Souffrent-ils, comme disent certains, d'une schizophrénie identitaire ou plutôt des discriminations dont ils sont victimes dans tous les domaines - logement, éducation, emploi, santé, culture? Le sort que cette société leur réserve a-t-il un lien, et lequel, avec la longue histoire coloniale de la France? Les enfants de l'immigration subissent-il le carcan de l'islam, jugé irréformable et accusé de servir de terreau à toutes les violences - délinquance, actes antisémites ou machistes, voire terrorisme? À moins qu'une certaine islamophobie ne s'ajoute au vieux racisme anti-arabe, alimentée par la «guerre anti-terroriste» - et ses relais médiatiques - menée par les États-Unis depuis le 11 septembre 2001?
Deux décennies après la «marche des Beurs», où en est le mouvement des jeunes issus de l'immigration? L'action commune entre musulmans et non-musulmans contre l'exclusion augure-t-elle d'un renouveau de leur action et de leur alliance avec les forces altermondialistes? Mais pour quel objectif? Afin que les enfants de l'immigration s'«intègrent» à la société française - mais à la seule manière d'une reddition sans condition? Ou pour que celle-ci leur garantisse enfin l'égalité des droits et des chances sans laquelle il n'y a pas de possibilité de vivre ensemble, dans le respect des différences?
Avec cette enquête, les auteurs ont voulu écouter et restituer au plus près la parole des «Arabes de France» pour savoir comment les acteurs (jeunes et anciens, hommes et femmes) perçoivent mais aussi comment les spécialistes (historiens, philosophes, sociologues, politologues) analysent le mal-être de centaines de milliers d'hommes et de femmes unis par une expérience commune de l'altérité.