Maniérisme : l'-isme final bloque le mot dans un registre abstrait et le classe parmi les catégories codifiées du répertoire littéraire et esthétique, dans un tiroir contigu au classicisme, romantisme, réalisme, naturalisme, surréalisme... La mise en fiches repérables facilite le classement de ceux qui mettent l'ordre au-dessus de la vie. L'-isme final montre l'emprise qu'ont eue sur le mot des philosophes de l'art tard venus, amoureux d'abstractions.
Reste le radical : la manière. Le maniérisme est un art élaboré à partir de la manière. De quelle manière s'agit-il ? Manière de parler, manière d'être, « à la manière de », « faire des manières », plagiaire en « manières » ? Pris dans le miroir des signes, tournant le dos au réel parce que vil, mais n'hésitant pas à avilir l'expression, à exhiber de « mauvaises manières » et à prendre mauvais genre : où placer le maniérisme ?
La manière, c'est ce qui s'oppose à la matière. Il faudrait inventer le « matiérisme » pour faire pendant au « maniérisme ». Le matiériste aurait quelque chose à dire de substantiel ; pour le maniériste, pas de substance. Le maniériste n'a rien à dire, sauf la manière de dire ce rien.