René Bazin (1853-1932)
"– Pour un joli jour, c’est un joli jour, mademoiselle Évelyne. C’est comme votre nom. En avez-vous eu de l’esprit, de choisir un nom pareil ! – Dites ça à maman : vous lui ferez plaisir. – Je ne la connais pas. Mais je ne manquerai pas l’occasion, si madame Gimel vient déjeuner chez moi. Évelyne ! On voit tout de suite la personne : blanche, frileuse, des yeux bleus, de la distinction, des cheveux de quoi rembourrer un matelas, et fins, et du blond de Paris, justement, couleur de noisette de l’année... – Madame Mauléon, je demande l’addition, je suis pressée ! – Oui, oui, je comprends, je suis trop familière. Avec vous, il n’y a pas moyen de s’y tromper ! Vos cils parlent malgré vous : ils se rapprochent, ils frémissent quand vous êtes fâchée ; ils s’étalent pour dire merci... La grande jeune fille, debout à côté du bureau de la crémière, ne put s’empêcher de rire. – C’est vrai, dit-elle, mes camarades m’appellent quelquefois « mademoiselle aux yeux plissés ». – Ah ! la jolie poupée vivante que vous faites ! Et sage, avec cela ! Dites, mademoiselle Évelyne, vous m’accorderez bien deux minutes ; j’ai à vous... La crémière s’interrompit : – Mais enfin, Louise, donnez donc un carafon au 4. Monsieur attend depuis cinq minutes ! En parlant, madame Mauléon s’était penchée, pour désigner le client du 4, et le tablier de linon à bretelles, qu’elle portait, se sépara du corsage et fit poche. Elle aimait le blanc, madame Mauléon." Mademoiselle Gimel est dactylographe ; c'est une jeune fille sage et jolie. Elle est remarquée par un lieutenant, Louis Morand. Les deux jeunes gens se plaisent... Un obstacle pourrait-il empêcher un mariage ? Suivie de 4 autres nouvelles : "Le petit cinq" - "Le testament du vieux Chogne" - "Aux petites soeurs" - "Le Raphaël de M. Prunelier".