L'Essai de poétique médiévale (1972) et Langue, texte, énigme (1975) replaçaient l'étude du Moyen Age dans la perspective des théories modernes de la littérature. Paul Zumthor aborde à présent du même biais, pour l'époque-charnière qui inaugure la Renaissance (1470-1520) et dans cette génération qui élabore notre première "littérature" proprement dite, le groupe de poètes connus comme les Grands Rhétoriqueurs.
Remplissant un rôle social qui les asservit aux princes, leurs patrons, ils s'efforcent de rompre, de l'intérieur, ce lien ; et comment ? Par la manipulation du langage même.
D'où la subtilité de leur versification, la complexité des jeux de sons et de mots, la recherche des images rares, qui font triompher dans le discours l'équivoque, la pluralité des significations et abolissent jusqu'à la convention apparente des thèmes.
De là aussi que ces héritiers d'une tradition du Moyen Age, qu'ils désarticulent par ironie ou parodie, sont les lointains précurseurs de toutes les tentatives les plus récentes de déconstruction du langage : ils offrent au lecteur de notre temps un terme de référence, illustrant l'ensemble des questions pratiques et théoriques que pose le fait d'écriture, encore aujourd'hui.
La tentative, certes, fut sans lendemain immédiat : mais nous pouvons désormais lire qu'elle marqua ce qui est à tous les niveaux un moment crucial de l'histoire.