L'analyse de l'activité scientifique a généralement conduit, jusqu'à présent, anthropologues, historiens et sociologues à investir de façon privilégiée le domaine des sciences de la vie, des sciences de la nature et des mathématiques et à délaisser, relativement, celui des sciences sociales. Ce livre entend contribuer à modifier cette donne. Délaissant un autre point de vue souvent adopté - celui de l'histoire des idées et de l'épistémologie - il propose de prendre pour objet d'étude la sociologie en train de se faire et les sociologues français en exercice dans le monde académique en se fondant sur un travail d'investigation approfondie (observations, entretiens, questionnaire, analyse de documents). Pour ce faire, il a fallu inverser la relation habituelle de travail de recherche et inviter les sociologues, professionnels de l'enquête, à se laisser interviewer et observer. Contre l'évidence de l'existence de la sociologie comme discipline d'enseignement et de recherche, l'ouvrage s'efforce de décrire et de comprendre ces pratiques professionnelles telles qu'elles ont été mises en œuvre dans les universités et les grands organismes de la recherche de 1945 aux années 2000. Il montre que les manières de faire aujourd'hui sont en réalité les produits de la (re)constitution progressive au cours de la seconde moitié du XXe siècle d'un capital disciplinaire fait d'éléments institutionnels et d'autres ressources (outils, univers de références) dont la croyance dans la sociologie comme discipline à part entière n'est pas la moindre. Enseignants et chercheurs y puisent les moyens et les raisons d'exercer aujourd'hui leur métier de sociologue.