Jean Cocteau exhortait les miroirs à réfléchir avant de nous renvoyer
notre image - mais ne réfléchissent-ils pas trop, justement ? Ils
mettent en évidence le rapport instable et fantasmatique que nous
entretenons avec notre propre image, oscillant entre l'être et le
paraître, l'objectivité et la subjectivité, l'intimité et la mondanité, le
narcissisme et l'insatisfaction de soi. A cet égard, notre effigie spéculaire,
plus problématique qu'il ne paraît, anticipe l'interprétation du
peintre. Aussi les analyses ici réunies prennent-elles prétexte du
miroir en tant que thème iconographique et en tant qu'instrument
d'une réflexion métapicturale : miroir transparent de la tradition classique,
miroir dessillant des Lumières, miroir déformant de l'expressionnisme,
miroir à facettes du cubisme, miroir brisé ou miroir
aveugle de la schizophrénie - péripéties d'une longue catastrophe
spéculaire, que le mythe de Narcisse préfigurait, et qui va de l'illusion
représentative à la matérialisation progressive du support, jusqu'à son
opacification dans la psychose.