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À chaque bataille électorale, les partisans d’une gauche modérée réaffirment un programme politique exaltant à la fois les mérites de l’équité sociale et les vertus d’un certain réalisme. Face aux révolutionnaires, convaincus de l’antagonisme de ces deux aspirations, les réformateurs ont un argument-choc : l’Eden social existe, nous l’avons rencontré, et l’utopie politique se transforme alors en un modèle positif. Mais la Suède dont rêvent certains est-elle plus “réaliste” que la Chine des Maoïstes ou l’Ancien Régime des monarchistes ? La réussite économique de la Suède ne peut cependant être confondue avec le “miracle” allemand ou japonais. Sans détenir le ruban bleu du taux annuel de croissance, l’économie suédoise s’illustre par une remarquable continuité, que n’altère depuis vingt ans aucun des dérapages familiers au conjoncturiste. A s’en tenir aux seuls indicateurs globaux, l’expansion sans inflation n’est pas ici seulement un vœu pieux de ministre des Finances, et les effets du développement portent leurs fruits sociaux comme en témoignent le niveau élevé et la progression rapide des revenus individuels. Ce succès est-il dû à un ensemble de faits relevant du passé industriel suédois ou est-il la conséquence d’une action délibérée ? Pionniers en matière de politique budgétaire et fiscale, les dirigeants suédois ont progressivement expérimenté la plupart des ressources de l’arsenal traditionnel de la politique économique. Ils en découvrent aujourd’hui les limites dans le domaine des revenus, où le contrôle de l’inflation par la demande précipite l’inflation par les coûts et vice-versa ; dans celui de l’investissement, où les charges sociales arrivent à concurrencer la capacité de financement des investissements productifs. Toutes questions qui sont autant d’anticipations sur la politique économique de demain. Mais la véritable leçon de l’économie suédoise est ailleurs. Son secret ne s’épuise pas dans des recettes ou des techniques toujours provisoires. On le trouve dans la définition et la répartition des pouvoirs et des responsabilités. Comme le dégage l’analyse du professeur Parent, producteurs, consommateurs et travailleurs voient leur rôle reconnu et leur domaine délimité. Le jeu économique et social se trouve ainsi codifié sans être dirigé ni abandonné. Mais la loi du développement implique une continuelle adaptation, seule capable de préserver un équilibre fragile. Socialisme civilisé ou capitalisme assagi ? Le défi scandinave est en définitive celui de l’arbitrage et des négociations.