Avranches. Il fait grand jour. Elle est majestueusement assise sur sa haute colline en pente douce, la capitale de l’Avranchin, antique refuge de la tribu gauloise des Ambivareti, exposée au vent de mer et au choc des invasions, conquise et reconquise par les ducs de Normandie et de Bretagne, par les rois de France et d’Angleterre, mais qui depuis Charlemagne jusqu’à nos jours a conservé son caractère primitif de gravité épiscopale... Au loin, les grèves jaunâtres dessinent la ligne sinueuse d’un golfe. Ce golfe en croissant se termine par deux pointes, Granville au nord, au sud Pontorson. C’est la baie normande, sauvage et bleue. Au milieu du golfe, d’un gris chatoyant ou d’un violet sombre selon la marée, se dresse comme un château fantastique, sur un récif noir et pointu, le Mont-Saint-Michel, que les gens du moyen âge appelaient la merveille de l’Occident. Vu à cette distance, voilé de brume et comme perdu dans la mer, il ressemble plutôt à un menhir colossal qu’à une construction humaine. L’estuaire du Couësnon, qui sépare la Bretagne de la Normandie, trace maintenant son lit sablonneux à gauche du Mont. Autrefois, il passait à droite. Aussi, Bretons et Normands se sont-ils disputé le rocher porteur du sanctuaire et séjour de l’archange protecteur de la France. Les Bretons disaient :
"Le Couësnon, dans sa folie, A mis le Mont en Normandie"
Les Normands ripostaient :"Si bonne n’était Normandie, Saint Michel ne s’y serait mis."