Le mythe de Circé
« Vraiment, elle les avait tous transformés en cochons ? » Mais oui, nous dit Homère, tel fut le sort que Circé infligea aux compagnons d'Ulysse. Seul le héros échappa à la métamorphose, grâce au môlu, l'herbe magique que lui avait donnée Hermès. L'épisode est au coeur de l'Odyssée.
À Circé et à ses puissants pharmaka, la littérature antique et ses interprètes, qu'ils soient païens ou chrétiens, ont imputé bien d'autres métamorphoses animales, réelles ou métaphoriques. Oscillant entre déesse et magicienne, femme fatale et dame secourable, amante vengeresse et divinité bienveillante, prostituée et mère de héros, Circé irrigue notre imaginaire depuis les temps antiques et trouve son écho dans les plus lointaines cultures.
Sa figure en séductrice perfide ne cessera de se composer et se recomposer jusqu'à l'imagerie fin de siècle la montrant en femme-fauve entraînant les hommes dans sa sexualité omnivore. Au XXe siècle, pourtant, certains lui ont donné un nouveau visage, positif et émouvant, celui de la femme moderne et libre, affrontant la solitude de la nouvelle condition féminine.