La fortune connue par le mythe de Troie dans le théâtre français
des XVIe et XVIIe siècles dépasse celle de toutes les autres
fables antiques. Sans doute n'y a-t-il pas lieu de s'en étonner au
regard du succès intertextuel de cette légende à travers les
siècles. Cette étude s'attache cependant à dégager les traits spécifiques
de sa réception en France à l'époque moderne pour
mieux cerner les enjeux de son utilisation dans ce cadre historique
et esthétique précis. Le système sémiotique mythologique
apparaît alors comme un objet historique, chargé du poids des
discours qui ont accompagné et filtré sa transmission au fil du
temps. La matière troyenne offre en l'occurrence aux auteurs
dramatiques de l'époque moderne une matrice apte à traduire les
problématiques singulières d'un moment marqué par une transformation
profonde des modèles culturel et politique français :
dans la deuxième moitié du XVIe siècle naissent à la fois le théâtre
et l'État modernes. L'utilisation du mythe de Troie dans les différentes
formes dramatiques au cours du siècle et demi suivant
cette double naissance s'éclaire ainsi à la lumière de l'évolution
des débats esthétiques, politiques et éthico-théologiques qui
accompagnent la transition culturelle alors à l'oeuvre.