Dans ce livre de 1829, Fourier donne un résumé de l'ensemble de sa doctrine : c'est une critique systématique de la civilisation et de ses déviations intrinsèques (individualisme, exploitation mondiale des ressources au profit des plus puissants, capitalisme libéral fondé sur la loi du plus fort et des parasites) et le projet possible d'une autre société déterminée par le principe de l'association mutuelle, régie non plus par des contraintes et des répressions mais selon le vrai moteur (le seul réel) de l'attraction passionnée (le principe de la motivation).
Fourier brosse un immense tableau anthropologique (bien avant les psycho-sociologues) des diverses passions humaines, toutes utiles sans exclusives. Cette société vraiment réelle serait mue par l'harmonie des contraires et l'individu est envisagé non plus comme une entité fixe (uniforme) mais comme un être pluriel en mouvement.
Il y a là tous les principes novateurs d'une éducation fondée sur les motivations propres de chacun et l'affirmation que l'individu ne peut s'épanouir (vers une sagesse jouissive et festive) qu'à l'intérieur d'une communauté ouverte. La seule méthode est la méthode attrayante ou série passionnée, la seule théorie réelle, c'est l'association solidaire.
Fourier critique tout autant les illusions utopiques de son époque que le libéralisme économique et la monarchie absolue (la dictature de l'état central). L'ordre sociétaire unitaire et coopératif, et non plus morcelé et subdivisé (spécialisé) est dirigé par l'attraction industrielle selon une nouvelle distribution des passions, d'après la théorie des séries passionnées. «Si les pauvres, la classe ouvrière, ne sont pas heureux dans l'état sociétaire, ils le troubleront par la malveillance, le vol, la rébellion, un tel ordre manque le but, qui est d'associer le passionnel ainsi que le matériel, de concilier les passions, les caractères, les goûts, les instincts et inégalités quelconques».