Publié en deux livraisons à l'automne 1976 dans la revue Arts
Magazine, Le Paradigme du tapis est un essai qui, outre-Atlantique,
valut d'emblée à son auteur reconnaissance et estime. L'intérêt
primordial de ce texte, ici traduit pour la première fois en français,
est de proposer une analyse profondément originale de la planéité,
cette notion dont le modernisme - celui défendu par le critique
américain Clement Greenberg, notamment - aura fait la pierre
angulaire de sa vision de l'histoire de l'art (de la peinture ou plus
précisément du tableau). Mais Joseph Masheck ne se satisfait
pas, à juste titre, du dogmatisme de Greenberg et de son idéalisme
déguisé. Entreprenant une révision de ses positions, traversant
l'histoire du haut modernisme et de ses prémices (Maurice Denis,
les Nabis, Matisse, le cubisme) à travers une forme - le tapis - qui
en devient un outil d'examen critique, il éclaire d'une manière
stimulante les ressorts du nouveau regard qui aura conditionné
la naissance des avant-gardes. Ce faisant, il aboutit à un tour de
force inacceptable pour Greenberg et ses héritiers : réconcilier la
dimension décorative du tapis, de la peinture et de l'art en général,
et la planéité inhérente à l'invention de la modernité picturale.
Mais ce texte ouvre aussi un programme théorique ambitieux et
plus que jamais nécessaire. Car Le Paradigme du tapis est un
chapitre supplémentaire à ajouter à une histoire matérielle - et
matérialiste - de l'art qui reste finalement à écrire. Il montre
également combien un certain formalisme demeure probablement
indépassable dans l'approche des oeuvres, à condition de le
réenfanter. En ce sens ce livre est, aujourd'hui encore, chargé
d'avenir.