On lit volontiers l'Enfer de Dante mais pas son
Paradis, parce qu'on se représente spontanément
ce dernier comme un néant immaculé dans la
monotonie des alléluias sans fin. Sans craindre la
contradiction, on se dit que le bienheureux doit
s'y ennuyer ferme - comme un rat mort.
Or le paradis dantesque est bien plus différencié
et violent que son enfer. Béatrice y déclare
au poète : «Si tu voyais mon rire, tu serais réduit
en cendres.» Voilà pourquoi, nous repliant sur nos
petits paradis artificiels (qui deviennent bientôt
des cercueils sur mesure), nous mettons le vrai
paradis à la porte : nous avons peur de ce qui nous
dépasse, nous redoutons l'exigence de sa joie.
Mais, de derrière la porte, le paradis continue
de frapper. Il frappe avec la vie. Il cogne avec
la mort - déjoue nos plans, veut nous ouvrir à
l'inespéré.