En trente ans, ce ne sont pas les adolescents qui ont changé, c'est
le monde. Si, comme le dit Winnicott, les adolescents sont le
«baromètre du social», ils ont plutôt anticipé une évolution dont
nous connaissons sans doute le dernier tournant : recomposition de
la structure familiale, dissociation entre sexualité et reproduction,
dépathologisation de l'homosexualité, fin de l'idéal d'un progrès
permanent appuyé sur le développement économique par la fin de
l'espoir du plein emploi, mais aussi par la prise de conscience des
risques écologiques et climatiques et la nécessité de repenser la
politique énergétique... Jean-Jacques Rassial compte parmi les
quelques psychanalystes qui, dans les années 1980, considéraient que
l'adolescence était autre chose qu'une simple transition entre
l'enfance et l'âge adulte. L'évolution du monde leur a donné raison :
l'adolescence constitue un moment d'identification et d'opérations
psychiques qui concerne autant les enfants que les adultes, processus
souvent ordinaire, parfois pathologique. Ainsi, rencontrer des
adolescents, c'est d'abord pour le psychanalyste, accepter d'être
enseigné par eux sur notre propre humanité, et non vouloir leur
apprendre comment devenir des adultes, parce que ça, nous n'en
savons rien.