Conçu en 1955 à Tachkent au moment où Alexandre Soljénitsyne quittait lui-même le "pavillon des cancéreux" où il était soigné, le grand récit qui porte ce titre ne fut rédigé que dix ans plus tard. D'abord refusée par la revue Novy mir, puis acceptée mais non publiée - l'"ouverture krouchtchévienne" était déjà un chapitre pratiquement clos-, l'œuvre est diffusée clandestinement en samizdat et émigre tant bien que mal en Occident, dans des versions parfois tronquées ou fautives. La version définitive publiée ici est la première à avoir été vérifiée par l'auteur.
C'est au camp spécial d'Ekibastouz que Soljénitsyne a l'idée, en 1950-51, d'un récit intitulé d'abord CH-854, une journée d'un zek, qui deviendra Une journée d'Ivan Dénissovitch et dont la rédaction - retardée par d'autres travaux, notamment sur l'Archipel du Goulag et Août 14 - n'est menée à bien qu'en 1959. L'œuvre, quelque peu édulcorée, est communiquée en 1961 à Novy mir et la publication décidée par le Politburo du parti communiste d'URSS sur intervention personnelle de Krouchtchev. Toutes les éditions de l'œuvre furent détruites dans les bibliothèques publiques en 1971-72. La première édition non mutilée a vu le jour à Paris en 1973.
Dans ce registre des "formes littéraires brèves" inspirées par la vie même de Soljénitsyne, par des personnages de rencontre ou des scènes auxquelles il a assisté, se trouvent également réunis dans le présent volume : La maison de Matriona (publiée dans Novy mir en 1963 et éditée ici dans une traduction nouvelle), les Etudes et Miniatures (dont la rédaction s'échelonna de 1958 à 1960, à l'époque où Soljénitsyne put explorer à bicyclette la Russie centrale), La Main droite (composée en 1960 et refusée par les revues soviétiques), Un incident à la gare de Kotchétovka (publié en extraits dans la Pravda en 1962, puis dans Novy mir), Pour le bien de la cause (publié en 1963 dans Novy mir), Zacharie l'Escarcelle (écrit en 1965, retenu puis refusé par les Izvestia, mais publié en 1966 dans Novy mir), la Procession pascale (diffusé seulement en samizdat) et un court récit intitulé Quel dommage !, écrit en 1965, totalement inédit et publié ici pour la première fois.