Le peintre, le poète, le sauvage
Refus des élégances et des traditions académiques, découvertes et fréquentations d'oeuvres issues de cultures considérées comme « barbares » ou « archaïques » par l'Occident, le primitivisme est l'une des données centrales de l'histoire des avant-gardes artistiques à partir de la fin du XIXe siècle. Le dessein de cet ouvrage est de proposer une histoire non seulement artistique, mais encore culturelle du phénomène, de prendre toute la mesure de cette nostalgie d'une création vierge du pastiche et des règles machinalement appliquées. Peinture et sculpture y tiennent un rôle central, mais poésie, littérature, critique et travaux savants y ont aussi leur part.
La préhistoire, les miniatures médiévales, les primitifs italiens, l'Égypte, Byzance : les références sont nombreuses et hétérogènes dès l'époque de Gauguin, qui est aussi celle de Huysmans et des Nabis. Avec Matisse, Derain, Picasso et Braque interviennent les « fétiches » africains ou océaniens dont on a fait l'origine trop exclusive du fauvisme et du cubisme, oubliant que leur révélation s'inscrit dans un processus largement antérieur, épisode après d'autres, dans la recherche du renouvellement des formes et de leur exaltation.