Etes-vous religieux ? A cette question, la plupart d'entre nous répondraient non. Et pourtant, la religion, loin de disparaître, tient toujours dans nos sociétés une place importante. Certes, les églises sont désertées et la réunion dominicale se fait plus souvent autour de la télévision que de l'autel. Mais les sectes se multiplient et les discours sur Dieu et l'au-delà nous fascinent. C'est sur l'explication de ce paradoxe que se penche Danièle Hervieu-Léger. Comment, dans une France laïque et républicaine, d'immenses manifestations ont-elles pu mobiliser les citoyens pour la défense de l'enseignement privé ou unir les jeunes lors des Journées mondiales de la jeunesse autour du pape ? La religion qui nous séduit aujourd'hui n'a que peu de traits communs avec celle dans laquelle nous ont élevés nos parents. Chacun de nous «bricole» la sienne, empruntant au christianisme, au judaïsme, à l'islam, mais aussi au bouddhisme ou au taoïsme. Les figures mobiles du pèlerin et du converti l'emportent sur celle, classique, du pratiquant.
En France, la question religieuse est aussi politique. La République a organisé la cohabitation des différentes confessions selon le modèle catholique. Confronté à la prolifération des croyances et des communautés, l'Etat est privé de ses interlocuteurs institutionnels habituels. La laïcité se grippe, le débat sur les sectes s'enlise, la question du voile empoisonne la vie publique. Peut-on imaginer un modèle de laïcité médiatrice, capable de mobiliser les «familles spirituelles» au service de la refondation du lien social ?