Avec ces cent pages bruissantes de jouissances et de souffrances, voici revenue la grande Anne Walter, celle qui d'un coup s'était imposée à la parution des Relations d'incertitude (Actes Sud, 1987). La narratrice, ici, part pour le Canada afin d'y mener une enquête littéraire mais, par de petites notations, on sait déjà qu'elle voyage en compagnie d'ombres et de souvenirs qui, au moindre prétexte, envahiront l'instant et se confondront avec lui. En vérité, la force tragique du roman d'Anne Walter vient à la fois de la magnifique paraphrase qu'elle compose sur la citation de l'Apocalypse relative au "petit livre avalé" (d'abord la douceur et ensuite l'amertume) et de son art à faire entendre la violence par la discrétion et la fureur par les silences. De surcroît, le Petit Livre avalé est un superbe livre de femme où l'intimité de la passion s'exprime avec plénitude dans la transparence de la narration. Un grand moment de bonheur littéraire !