Le Petit Nicolas en yiddish
Ma grand-mère me chantait en yiddish une berceuse dont aujourd'hui encore l'évocation me trouble et me touche. A yiddishe mame... Mon père souriait en écoutant sa mère. Cet air est un membre de ma famille, il coule dans mes veines. Je l'appelle à ma mémoire et il revient comme revient toujours celui qui soigne, celui qui panse, celui qui apaise. Peu importe la voix qui berce, seul compte l'air. A yiddishe mame... Mon père a eu une yiddishe mame. Elle s'appelait Anna. Le yiddish était sa langue maternelle, elle l'a transmise à son fils.
Les frères et les parents de ma grand-mère ont écrit, imprimé et publié un dictionnaire en deux volumes : yiddish-hébreu.
J'ai dans ma bibliothèque un exemplaire de cet ouvrage. Je sais qu'il est le socle de l'oeuvre de mon père. Je le feuillette comme on caresse la joue d'un enfant qu'on cherche à retenir mais dont on sait l'envol inéluctable.
Le yiddish tient une place particulière dans notre famille. Sans l'avoir jamais appris, il m'est familier. Nous nous sommes reconnus.
Car même quand il ne reste qu'un refrain d'une chanson, la vie est là, véhiculée par la douceur de l'intention de celui qui fredonne.
Papa, voici ton texte en yiddish. Si tu savais comme je suis émue.