1941. France occupée. Deux hommes se rencontrent à la terrasse de chez Lipp, un café de Saint-Germain-des-Prés. L'un est un artiste en plein doute, héritier du surréalisme, l'autre un philosophe en devenir, sur le point de s'imposer comme une figure dominante de la pensée française. Près d'un quart de siècle plus tard, une brouille les oppose. Chacun a derrière lui une oeuvre monumentale et jouit, dans son domaine, d'une notoriété incontestable. Entre ces deux moments, une amitié profonde s'est nouée, faite de convergences, de distances et d'échanges tant personnels qu'intellectuels. La pensée et l'oeuvre qu'ils ont mûries au cours de ces années se sont réalisées en se confrontant à une même conjoncture historique et sociale et en puisant leurs armes dans une sociabilité à de nombreux égards commune. Jean-Paul Sartre et Alberto Giacometti se rejoignent sans jamais se confondre. Bien qu'ils soient deux penseurs de la liberté, de la recherche artistique et philosophique ininterrompue, de l'homme en situation, ils ne cessent de se mettre mutuellement à l'épreuve. Tous deux s'enrichissent et se singularisent dans la confrontation à l'autre. En réunissant en constellation différents concepts philosophiques qui sont propres au milieu dans lequel gravitent Sartre et Giacometti - de la contingence à l'engagement - , cet essai propose de relire en miroir deux oeuvres essentielles de la pensée du XXe siècle. Le dialogue critique qui s'en dégage offre plusieurs clefs d'analyse pour l'exercice d'une pensée philosophique, artistique et politique.