Un reportage sur le voyage qu'il entreprend à travers
le Moyen-Orient et les Indes, tel est le prétexte initial de
ce récit de Jean Sulivan (1914-1980). Cependant, à peine
franchies les premières escales, Jean Sulivan est amené à
découvrir et à fixer non pas les repères habituels et
attendus, c'est-à-dire des tableaux pittoresques, grandioses
et misérables, qui eussent exigé sa complicité vis-à-vis
du monde extérieur, mais au contraire le cheminement
de sa propre conscience prise dans un réseau de
conscience universelle. Un va-et-vient s'organise entre le
voyage réel et le voyage écrit, entre les images de
Beyrouth, de Jérusalem, de Madras, d'Elephanta, de
Bombay, de Tiruchi et celles de son enfance, de sa vocation,
entre ses rencontres actuelles (avec Varsha, Nikhil
Mora, Abhis, Aruldas...) et ses souvenirs d'amitié
(Ilaha, Brice Parain, Claude Simon...), ou les personnages
vivants et morts de la vie quotidienne. Ce sont des
fresques rapides, des statues ébauchées comme dans les
temples des Indes.
À aucun moment l'auteur ne se perd de vue, non pas
pour recréer complaisamment l'être Jean Sulivan par
rapport à la foi, mais au contraire pour tenter d'atteindre,
à travers l'esthétique et comme malgré elle, une
expression plus vraie de Dieu, après avoir traqué, déjoué,
dissous les systèmes de conventions sociales, morales,
humaines qui ne cessent de s'interposer entre
l'Homme et la Lumière, entre l'Homme et la Vie, et par
conséquent le Bonheur.
Ce livre retrace un itinéraire qui est peut-être celui de
la joie dans l'écriture en même temps que l'approfondissement
d'une vocation.