L'histoire, celle bâtie par les hommes, est toujours racontée comme
une aventure qui ne concerne qu'eux. Pourtant, les animaux ont
participé et participent encore abondamment à de grands événements
ou à de lents phénomènes. Leurs manières de vivre, de sentir, de
réagir ne sont jamais étudiées pour elles-mêmes, comme s'il n'y avait
d'histoire intéressante que celle de l'homme. Comme s'il existait en
nous une difficulté à prêter attention aux vivants que nous enrôlons,
mais que nous traitons comme des objets, indignes de participer à la
marche de l'histoire. L'histoire vécue par les animaux est néanmoins, elle
aussi, épique, contrastée, souvent violente, parfois apaisée, quelquefois
comique. Elle est faite de chair et de sang, de sensations et d'émotions,
de douleur et de plaisir, de violences subies et de connivences
partagées. Elle n'est pas sans répercussions sur la vie des hommes, à
tel point que ce sont leurs interactions, leurs destins croisés qu'il faut
désormais prendre en compte. Elle est donc loin d'être anecdotique
et secondaire. Il faut se défaire d'une vision anthropocentrée pour
adopter le point de vue de l'animal, et fournir ainsi une autre version
de l'histoire, qui ne manquera pas d'intéresser notre monde inquiet
de la condition faite aux animaux.