Le Poncif d'Adorno « Écrire un poème après Auschwitz est barbare. » Ce « verdict » de Theodor Adorno, cité souvent par ouï-dire et répété à tout propos, a été transformé en poncif. Utilisé comme mantra. Sans égard au sens que la proposition, métamorphosée ainsi en « sentence », pouvait avoir pour Adorno et ce qu'elle impliquait. Il est indispensable donc d'en voir le contexte. Il faut surtout relire d'autres écrits d'Adorno consacrés à cette question fondamentale et paradoxale : l'impossibilité et, en même temps, la nécessité de l'art dans un monde qui a survécu à sa propre ruine. Poète d'un tel monde, Paul Celan a cru, à tort comme on peut le constater, que c'était lui qui avait été visé par « le verdict ». La conception paradoxale de l'art que cela impliquait a métamorphosé sa poésie. Et il attendait d'Adorno - disparu avant de pouvoir le faire - qu'il consacre un livre à ses poèmes. Ce sont des heideggériens qui ont écrit de tels livres, en faisant de Celan « le poète de Heidegger ». Tout à l'opposé donc du supposé « verdict » d'Adorno - utilisé ainsi pour le discréditer avec toute la « théorie critique » -, en allant jusqu'à transformer Heidegger, à cause même de ses « errances », et parce qu'il serait seul à l'écoute de « La Poésie du monde », « le philosophe ayant sauvé "Auschwitz" ».
Ce qui exige un retour sur sa philosophie.