« L'humanité vit non pas dans la lumière, mais au sein des ténèbres, plongée dans une nuit continuelle. Non ! dans mille et une nuits ! Et l'histoire " n'amènera jamais l'homme " à la lumière. »
Léon Chestov, « Mille et une nuits », préface au Pouvoir des clés, janvier 1919.
Le projet d'une nouvelle édition critique des oeuvres de Léon Chestov au Bruit du temps débute par la réimpression du Pouvoir des clés (tome VII des oeuvres complètes). Publié dans sa version française en 1928, au moment de la rencontre avec Husserl, ce livre constitue l'apogée de la confrontation entre la raison et la foi dans la pensée du philosophe russe.
Ce que dénonce inlassablement Chestov dans Le Pouvoir des clés, c'est que la recherche de la vérité, du salut de l'homme, et donc du pouvoir attaché à celui qui les possède puisse être remise entre les mains des papes, comme l'affirmait la théologie catholique, ou entre celles des philosophes rationalistes selon lesquels la sagesse et la connaissance l'emportent toujours sur la joie, la douleur et les accidents de l'être individuel.
Pour Chestov, comme l'écrit Ramona Fotiade, la grâce et la foi sont « synonymes d'une libre volonté illimitée que l'homme retrouve en s'élevant au dessus de la raison pour remonter aux sources de la vie et reconquérir le paradis perdu. [...] Ce n'est que dans des moments d'extrême tension, dans " les instants de désespoir ou de passion ", que l'homme se décide à renverser le mur des évidences, pour se lancer " à corps perdu dans cette divine liberté ". »