Le trialogue De possest centre la pensée de Nicolas de Cues
sur un concept nouveau : le Pouvoir-est. Cette nouvelle traduction
tente, avec son introduction, de dégager la signification
du «Pouvoir-est» comme une clé de compréhension
de l'oeuvre cusaine et, par ricochet, de la pensée moderne.
«Comment peut-on voir l'invisible ?» «Que signifie le pluriel
invisibilia ?», demandent les amis de Nicolas en partant
d'un célèbre verset de l'Épître aux Romains. Le Cusain
répond en recourant à une image, une aenigma, tirée de la
vie quotidienne : la lecture. Avec les yeux, nous voyons les
lettres ; avec l'esprit, nous saisissons le sens. De même,
dit-il, le jeu de la toupie permet de saisir un paradoxe semblable
: plus vite tourne-t-elle sur elle-même, plus elle nous
paraît immobile, nous donnant ainsi l'image de la coïncidence
du mouvement et du repos. Ces images illustrent que
tout ce qui est peut être et que ce qui est en acte, actu, est ce
qui peut être : l'actualitas absoluta embrasse tout ce qui est
en acte et la possibilitas absoluta tout ce qui peut être. Ni
l'actualitas ni la possibilitas n'ont le primat, car comment
une chose pourrait être en acte s'il n'était pas possible qu'elle
soit ? Comment pourrait être actualisé ce qui est possible
et sans actualité ? La réponse tient à ce que la possibilité
absolue et l'actualité absolue sont unies, coïncident et
constituent ce que nous appelons le possest.