« La carriole grinçait sur la route assez bien dessinée mais à peine tassée. De temps en temps, une étincelle fusait sous la jante ferrée ou sous le sabot d'un cheval, et un silex venait frapper le bois de la carriole ou s'enfonçait au contraire, avec un bruit feutré, dans la terre molle du fossé.
Les deux petits chevaux avançaient cependant régulièrement, bronchant à peine de loin en loin, le poitrail en avant pour tirer la lourde carriole, chargée de meubles, rejetant sans trêve la route derrière eux de leurs deux trots différents.
.../...
Au moment où la pluie commença de rouler sur la capote au-dessus d'eux, il se retourna vers l'intérieur de la voiture : « Ça va ? » cria-t-il.
Sur une deuxième banquette, coincée entre la première et un amoncellement de vieilles malles et de meubles, une femme, habillée pauvrement mais enveloppée dans un grand châle de grosse laine, lui sourit faiblement.
« Oui, oui », dit-elle avec un petit geste d'excuse. »
Albert Camus
Le premier homme