Parler de corde dans la maison d'un pendu : pendant deux ans,
épaulée par une joyeuse équipe d'esprits libres, Élisabeth Lévy
s'est livrée à cet exercice acrobatique sur France Culture. «Le
Premier Pouvoir», l'émission hebdomadaire dont elle était la
productrice et l'animatrice, a offert aux auditeurs une réflexion
singulière sur «la société des médias» - terme emprunté à la revue
Le Débat. Une entreprise intellectuelle fondée sur la conviction
qu'il est impossible de penser le monde d'aujourd'hui sans penser
la scène médiatique.
Le système médiatique considère avec bienveillance toute remise
en cause du pouvoir. À condition qu'il s'agisse du pouvoir des autres.
La radio publique n'échappe pas à la règle, bien au contraire. L'ordre
subversif y règne. «Sois rebelle et tais-toi», ainsi pourrait-on résumer
sa loi. La musique générale du «Premier Pouvoir» était-elle trop grinçante
? L'émission qui conjuguait mauvais esprit et bonne audience
a brutalement été supprimée par la direction de France Culture.
«Le Premier Pouvoir» a disparu des ondes. Le Premier Pouvoir - le
livre - revisite sans en taire les limites et les insuffisances, cette
expérience parfois douloureuse, souvent drolatique, toujours passionnante.
Et nous en apprend beaucoup sur la fabrication de
l'opinion correcte par gros temps démocratique. À travers le récit
de cette aventure et mésaventure, Élisabeth Lévy nous offre un
fort instructif tableau d'époque.