Fin 1966 paraît Le Président T.W. Wilson -.portrait psychologique, cosigné par Sigmund Freud, décédé, et William Bullitt, ancien conseiller de Wilson, encore vivant. L'ouvrage déclenche une houleuse polémique : beaucoup mettent en doute la participation du père de la psychanalyse à ce livre scandaleux consacré à l'ancien chef d'État américain. La querelle n'a jamais été tranchée.
Cinquante ans plus tard, le manuscrit original du texte, qui semblait perdu à jamais, est retrouvé par Patrick Weil. Le précieux document prouve l'étroite collaboration des deux auteurs, mais réserve une surprise de taille : en comparant la version princeps et celle de 1966, Patrick Weil recense quelque trois cents amputations et corrections opérées par Bullitt, sans l'aval de Freud. Pourquoi cette censure ?
Membre de l'équipe Wilson lors de la négociation du traité de Versailles, Bullitt démissionne avec fracas pour protester contre le Traité. Dix ans plus tard, il apporte à Freud des témoignages inédits sur la personnalité de Wilson. Lesquels permettent au psychanalyste de saisir pourquoi, fin 1919, le Président américain sabote, au Congrès des États-Unis, la ratification du traité qu'il a lui-même négocié à Paris, enterrant les espoirs d'une paix durable pour l'Europe. Ahurissant retournement dont la cause est à chercher dans la tête même du chef de l'État, son inconscient, ses mécanismes psychiques.
En 1932, le manuscrit est achevé mais la publication retardée : Bullitt se voit nommé premier ambassadeur américain en URSS, ce qui l'oblige à la réserve. Roosevelt l'envoie ensuite à Paris de 1936 à 1940. Témoin privilégié de l'Histoire du XXe siècle, il y côtoie les géants de son temps : Lénine, Staline, Léon Blum, Daladier, Jean Monnet, de Gaulle, Churchill, Tchang Kaï-chek, Nixon. Il éclaire pour nous nombre d'événements mythifiés ou mystifiés du siècle dernier. Jusqu'à sa mort, il aura redouté l'effet dévastateur du manuscrit originel. Son invitation à reconnaître chez nos dirigeants les symptômes d'une personnalité pathologique avant qu'ils ne nous mènent à des catastrophes résonne aujourd'hui de toute sa force.