Roman court écrit dans un style incisif et sobre, le Pressentiment raconte l’histoire de Charles Benesteau, avocat, bourgeois, la cinquantaine opulente, qui abandonne tout, femme, enfants, carrière, amis, maîtresse...
Pourquoi ? « parce qu’il trouvait les gens méchants ».
Ne supportant plus la fréquentation de son milieu qu’il juge égoïste, injuste et sans générosité, il emménage dans un quartier populaire de Paris où il entreprend de faire connaissance avec son voisinage auquel il apporte aide, argent, conseils...
Mais ce que Charles va découvrir au fur et à mesure que son rêve utopique provoque des réactions imprévues, c’est que les défauts de son milieu se retrouvent dans chaque être humain, qu’il soit riche ou pauvre. Cruauté, mesquinerie, cupidité sont le lot quotidien;
L’apprentissage de ce délabrement du monde va de pair avec son propre délabrement intérieur, le pressentiment de la seconde guerre mondiale et l’annonce d’une maladie mortelle. La noirceur de l’expérience de Charles finit malgré tout par lui laisser entrevoir une sagesse généreuse, pleine d’humanité.
Emmanuel Bove, découvert par Colette, tombera dans l’oubli après sa mort en 1945. C’est à un Samuel Beckett admiratif de l’homme et de l’écrivain qu’on doit sa redécouverte dans les années 70.