« Le prodige de l'origine des langues ne se réitère pas seulement devant nous chaque fois qu'un enfant commence à parler : il se réitère en nous et par nous chaque fois que nous prenons la parole, que nous répondons à une question posée ou que nous nous mettons à écrire. Cette liberté que nous découvrons chez les nouveaux-parlants ne nous est pas étrangère ; c'est elle qui nous porte depuis longtemps, nous les vieux-parlants. Mais si familière soit-elle, elle nous échappe en partie à nous-mêmes.
Quelle leçon faut-il tirer de tout cela ? À coup sûr, il importe de renoncer aux rêveries historiques ou poétiques sur la « langue originaire » et d'accepter que nous nous situions « au milieu de l'histoire ». Mais cela n'implique pas qu'on doive renoncer à toute forme de sensibilité à la question de l'origine. Même si on doit renoncer à expliquer « le mystère de la formation des langues », il peut y avoir, au milieu même de l'histoire, un « prodige de l'origine ». Il y a des événements qui sont à la fois seconds par rapport à une origine antérieure et qui, tout en étant des recommencements, sont aussi de vrais commencements absolus ».
Jacques Dewitte