« Aucun écrivain, me semble-t-il, n'écrit pour les étoiles, tout aussi peu pour le public, mais il écrit pour lui-même », notait Max Frisch en 1958. Et pourtant, le succès de ses romans Stiller (1954) et Homo Faber (1957) a fait soudain exister ce public comme une réalité pressante, qui l'arracha à la solitude de l'écriture et le convoqua à s'exprimer devant lui en des occasions aussi diverses qu'une foire du livre, un congrès de dramaturgie, une remise de prix littéraire ou encore la fête nationale suisse.
Le présent ouvrage rassemble les plus importantes de ces interventions. Qu'elles portent sur la situation de la culture dans l'après-guerre, la condition des travailleurs saisonniers ou les enjeux politiques du théâtre, toutes frappent par leur lucidité et leur actualité. On lit à chaque page le souci d'un auteur partagé entre la responsabilité de sa parole publique et la fidélité aux exigences propres de son travail artistique. Frisch interroge ici la véritable nature de l'engagement de l'écrivain, tout en écornant au passage, avec l'ironie mordante qu'on lui connaît, les certitudes, les mythes et les angoisses crispées de ses contemporains. Entrer avec lui dans un partenariat critique pour questionner sans relâche ni complaisance le monde et l'art, voilà ce que Max Frisch nous propose tout au long des dix textes de ce recueil.