Avec Le Règne et la Gloire, l'enquête sur la généalogie du pouvoir
entreprise par Giorgio Agamben depuis plusieurs années
atteint une articulation décisive.
Deux questions orientent la recherche : 1) Pourquoi, en
Occident, le pouvoir a-t-il pris la forme d'une «économie»,
c'est-à-dire d'un gouvernement des hommes et des choses ?
2) Et, si le pouvoir est avant tout gouvernement, pourquoi
a-t-il besoin de la gloire, c'est-à-dire de cet appareil cérémonial
et liturgique qui l'accompagne depuis le début ?
En essayant de répondre, dans le sillage de Michel Foucault, à
la première question, Giorgio Agamben découvre que, lors des
premiers siècles de l'histoire de l'Église, la notion d'oikonomia
a joué un rôle décisif dans l'élaboration de la doctrine
trinitaire : c'est comme une «économie» de la vie divine que la
Trinité a été rendue compatible avec le monothéisme. La
fusion de ce paradigme économique avec l'idée de Providence
se trouve ainsi, de manière insoupçonnée, à l'origine de bien
des catégories fondamentales de la politique moderne, depuis
la théorie démocratique de la division des pouvoirs jusqu'à la
doctrine stratégique des «effets collatéraux», depuis la «main
invisible» du libéralisme de Smith jusqu'aux idées d'ordre et de
sécurité. Cependant la nouveauté la plus grande peut-être qui
émerge de cette recherche, c'est que le pouvoir moderne n'est
pas seulement «gouvernement» mais aussi «gloire» et que les
cérémonies, les liturgies et les acclamations que nous sommes
habitués à considérer comme un résidu du passé ne cessent de
constituer la base du pouvoir occidental.
À travers une analyse passionnante des acclamations liturgiques
et des symboles cérémoniaux du pouvoir, du trône à la
couronne, de la pourpre aux faisceaux romains, Giorgio
Agamben construit une généalogie inédite qui éclaire d'un
jour nouveau la fonction du consensus et des médias dans les
démocraties modernes.