Peter Brown, savant anglais émigré de Oxford à Princeton via Berkeley, est l'historien à qui l'on doit la revitalisation érudite et sensible des premiers siècles de notre ère, ces cinq cents ans trop souvent traités comme une décadence par les spécialistes de l'Antiquité et comme un creux par les historiens du Moyen Age. Il a montré, en particulier dans Genèse de l'Antiquité tardive, qu'il y avait là, tant du point de vue mental que social, une époque en soi puissamment originale et féconde.
Le sujet de ce grand livre, très proche de celui que Michel Foncault terminait au moment de sa mort et jusqu'à ce jour impublié, n'est rien moins que la formation de la morale sexuelle aux premiers temps du christianisme, telle que l'ont codifiée les pères de l'Eglise et les premiers conciles, telle que l'a vécue le monde latin dominé par la pensée de saint Ambroise, saint Jérôme et saint Augustin. Telle qu'en a hérité, jusqu'à nous, l'Occident chrétien.
Peter Brown traite donc de la spiritualité du corps et des mœurs sexuelles, de l'abstinence, du célibat, de la virginité, de la conjugalité. Et à travers les controverses qu'a suscitées le renoncement à la chair ou sa domination, ce sont les notions même de l'individu, de la famille et, en définitive, de tout le rapport au monde et à la société qu'il est amené à définir. Il le fait dans un esprit et avec une méthode qui n'ont rien de dogmatique ni de spiritualiste, ni de traditionnel, mais qui portent la marque d'un grand historien du social et du religieux.