À plus d'un siècle de sa naissance, la psychanalyse est devenue un précieux héritage que certains disciples du maître qui l'a créée, puis de celui qui l'a refondée, continuent de transmettre à des analysants qui la font revivre. Mais elle n'est toujours pas parvenue à atteindre son troisième temps, celui où elle se serait rendue autonome par rapport à ce type de transmission où c'est par l'acte que se soutient un discours.
Or que nous disent aujourd'hui les analysants, et surtout, parmi eux, les femmes ? Que la psychanalyse devrait se permettre, si elle veut survivre, de reconnaître que son acte doit accomplir un nouveau renversement copernicien.
Alors que sa recherche a eu pour centre le couple que forme la mère avec son enfant, si prématuré et désemparé que son désir ne peut être qu'incestueux ou pervers, le discours psychanalytique devrait aujourd'hui se recentrer sur cet autre désir qui parvient à enfanter ce couple, si problématique et fragile, que le féminin en nous, qu'on soit homme ou femme, parvient à former avec un Autre, au nom de l'amour.
Dès lors, au lieu de toujours ramener ses échecs aux méprises, engendrées dans la sexualité par les confusions entre le désir et l'amour où tombe nécessairement un enfant avec l'un ou l'autre de ses parents, il importera de ne plus se contenter d'interpréter ce malheur comme une conséquence de l'après-coup malencontreux de la sexualité humaine, vécue une première fois dans l'enfance.
Le féminin qu'il s'agit de retrouver à cet effet a d'autres tours dans son sac et son exploration, à fleur de langage, à laquelle ne se sont jusqu'ici consacrés que les poètes, est précisément ce à quoi devra s'employer ce troisième type de couple que forment un analysant avec son analyste, aux fins d'accomplir l'écriture, la lecture et l'oubli de ce livre que, selon Proust, chacun porte en soi.