Le roc-aux-sorciers
Rencontre avec le peuple magdalénien
On pourrait croire, ou vouloir croire, que tout a été dit à propos de la célèbre frise sculptée magdalénienne du Roc-aux-Sorciers (F, Angles-sur-l'Anglin). Si beaucoup se sont exprimés, plus ou moins confidentiellement, sur ce chef-d'oeuvre unique de l'art paléolithique, aucun véritable travail de restitution du mode de vie des chasseurs-artisans-artistes, qui ont fréquenté assidûment la vallée de l'Anglin durant le lointain Paléolithique supérieur, n'a jamais été proposé au regard du plus grand nombre.
Pourtant, grâce aux abondantes données archéologiques et aux résultats des sciences connexes dont nous disposons aujourd'hui, le regard que nous pouvons poser sur ce qu'il est convenu d'appeler « la frise sculptée magdalénienne du Roc-aux-Sorciers » peut être multiple. Certes, il peut être connaissance, mais il peut aussi être curiosité, questionnement large, part infinie d'irréel par-delà le tangible. L'art de sculpter, comme l'art de peindre, n'est que l'art d'exprimer l'invisible par le visible, quand ce geste, porteur d'écriture, est le verbe du corps.
Bisons, chevaux, bouquetins, mais aussi représentations féminines, les principales manifestations pariétales du Roc-aux-Sorciers renvoient à des croyances dont l'intelligibilité nous échappe comme le monde échappe à un cerveau raisonnable. Les témoins matériels rendent quant à eux accessible le quotidien de populations qui ont éprouvé l'impérieux besoin défaire surgir de la paroi calcaire, voici cent cinquante siècles, ces figurations animales et humaines miraculeusement épargnées par le temps.
C'est ce quotidien, fait de chasse, de confection d'objets manufacturés en pierre ou en os, de préoccupations métaphysiques et artistiques que cet ouvrage s'est donné pour objectif d'illustrer, sur la base des connaissances acquises à ce jour. Des scènes qui restituent et rendent visibles, des séquences qui expriment par approfondissements successifs, tels sont les partis pris des auteurs. Donner un point de vue au sens des premiers photographes à la fois peintres, chimistes et physiciens, qui posaient leur « chambre » au milieu du vallon.
Ainsi la frise sculptée magdalénienne du Roc-aux-Sorciers retrouve-t-elle toute son intégrité, dans un environnement originel dont elle a été exclue par le temps et souvent séparée par l'analyse.
Max Aubrun, Conservateur des Musées de Chauvigny